Petites histoires de Vouneuil sur Vienne
de 1800 à nos jours
d'après les délibérations du Conseil Municipal
texte écrit par Yves TEXIER à l'occasion de l'inaguration de l'Espace Couleurs
Les communes sont créées en 1789, mais il faudra attendre le 5 avril 1884 pour que la loi sur « l'organisation municipale » donne de vrais pouvoirs aux maires. Ils étaient auparavant nommés par l'état par l'intermédiaire des préfets. Ils étaient donc sous tutelle et leurs décisions, leurs déclarations étaient largement sous influence.
Il n'empêche ! La lecture des délibérations du conseil municipal pendant les deux derniers siècles est instructive, passionnante, attristante ou réjouissante selon les périodes et les sujets abordés. On y suit les grands événements de notre histoire nationale mais aussi la vie quotidienne souvent difficile d'une petite commune et de ses habitants.
J'ai choisi de vous présenter quelques thèmes qui m'ont intéressé et qui plairont sans doute aux plus anciens. Les plus jeunes y découvriront un peu le passé du territoire qu'ils habitent.
La mairie, l'école, l'église, le passage des rivières, la conscription et la guerre entre autres préoccupent les élus tout au long de ces deux siècles.
J'ai visité, il y a quelques jours, « l'Espace Couleurs », ancienne mairie et ancienne maison des associations. J'ai admiré les aménagements réalisés. Le vieux bâtiment, légué par nos aïeux, méritait bien cet hommage coloré. La belle harmonie des teintes sur la façade, les murs, les sols, le mobilier lui redonne une nouvelle jeunesse et répond aux besoins nouveaux des associations et des services aux habitants.
C'est peut être l'occasion d'évoquer un peu son passé et de retrouver quelques images de la mairie depuis la fondation des communes.
En 1803 à la veille du sacre de Napoléon Bonaparte
Pas de bâtiment noble de belle facture moyenâgeuse – renaissance ou classique - pour accueillir les élus en ce début de dix-neuvième siècle. Le conseil municipal vote une somme de 40 F pour la location de la maison commune. C'est une simple « chambre » louée dans la maison d'un particulier qui doit servir à la mairie et à la tenue des audiences de la justice de paix. Le conseil municipal précise que « si le juge de paix quittait Vouneuil, ce serait préjudiciable aux intérêts de nos cabaretiers ». Il est clair que les justiciables attendaient leur tour au café, et, le jugement rendu, ils y retournaient pour fêter leur satisfaction ou noyer leur déception.
En 1807, entrevue entre Napoléon et le Tsar de Russie.
Le premier avril, Monsieur Vezien, maire, consent à donner au conseil « une maison qui convient pour un petit prix en considération de l'utilité publique ».
Le 8 mai 1813
Le maire reprend sa maison et c'est l'adjoint, le sieur Jean Guinet, qui, disposant de la seule maison vacante du bourg, la met à disposition de la commune. Mais « il entend se réserver le grenier qui est au-dessus, pour ses besoins personnels ».
Imaginez le plancher disjoint du grenier laissant tomber quelques poussières et grains de blé sur la tête des conseillers municipaux !
Les murs sont bruts et le sol en terre battue. Le mobilier se réduit à une grande table et des chaises. Comme seule décoration, le buste du roi déposé à la mairie le 24 juin 1816. En effet, Louis XVIII a été intronisé après la défaite de Napoléon à Waterloo (1815).
Et Monsieur Vézien, maire, prend la parole : « Le buste de notre bon roi, déposé dans cette enceinte, va, par nos religieux regards, nourrir de plus en plus, pour nos amis, le véritable amour de la paix, de l'union, de la justice d'où dépend le bonheur de nos familles trop longtemps douloureusement agitées ». Il évoque là les désordres de la révolution et des guerres napoléoniennes.
Mais diable, quelle emphase et quel enthousiasme pour la royauté. Le sieur Vézien semble avoir oublié que quelques années plus tôt il était l'un des militants du temple de la raison et de la société populaire de Vouneuil-sur-Vienne. Il entonnait l'hymne des Marseillais et criait avec les autres « Vive la République ! ».
Dans notre commune, l'époque républicaine est donc bien révolue. Et, c'est avec ferveur que le 25 août 1816, pour la fête de Saint Louis, « le buste du roi déposé en mairie a été couronné de myrtes et de fleurs. »
1839, sous le règne de Louis-Philippe
Vingt-trois ans plus tard, le 31 mai, monsieur de Verteillac, maire, déclare : « La chambre où nous sommes est beaucoup trop petite lors du tirage au sort des conscrits et souvent même encombrée les jours d'audiences. Sans cette chambre, point de justice de paix. Et vous savez, messieurs, que nous n'avons pas pu trouver de local dans le bourg et la maison que nous occupons est en vente. Je propose la construction d'une maison commune. »
Le conseil donne son accord de principe.
Vouneuil va-t-elle enfin disposer d'une vraie mairie ? Et bien non car, le 21 juin 1839, le conseil et les douze citoyens les plus imposés repoussent le projet du maire. Les opinions sont en effet divisées sur le bâtiment à construire et surtout sur l'emprunt à faire ! Il faut se rappeler qu'à cette époque pour investir et décider de nouveaux impôts, les douze plus gros contribuables votaient avec le conseil municipal, lui-même élu au suffrage censitaire : seuls les citoyens aisés pouvaient être élus ou électeurs.
Le maire doit chercher un nouveau local avec le conseil municipal. Il est trouvé et loué pour 50 F par an.
1843
Mais la nécessité s'impose et monsieur de Verteillac persévère. Un emprunt de 12 000 F est contracté auprès de la caisse des dépôts pour la construction d'un bâtiment logeant la mairie, le prétoire et l'école. Les écoliers logés, eux aussi, dans une « chambre », ne disposent pas d'un local suffisant.
En 1845, le maire présente les plans et devis établis par monsieur Delage, architecte à Châtellerault. La discussion est encore ajournée au prétexte de trouver un terrain au meilleur prix ! Le projet se trouve encore refusé.
Monsieur de Verteillac a le mérite d'être obstiné. Lors de la réunion du conseil du 27 février 1846, il déclare : « Il est urgent et indispensable de s'occuper de la construction en projet car, non seulement le local actuel de la maison d'école est insuffisant, mais le bail arrive à échéance et le local de la mairie et de justice de paix vient d'être vendu. »
Le bâtiment à construire est estimé à 14 050 F sur un terrain de 15 à 22 ca du sieur François Hilleret près de la place publique dans la zone des Tuilas.
Le conseil ne peut plus tergiverser, il accepte le projet et demande un « secours » au ministre de l'instruction publique.
Le 13 mai 1847, le conseil constate que le financement est incomplet. Il est décidé « d'attendre pour la clôture de la cour et du jardin et en cas de besoin, on différera les latrines. » Il était alors possible d'imaginer une mairie, une école et un tribunal sans toilettes !
Le 11 août 1847 a lieu la pose de la première pierre sous le règne de Louis-Philippe, premier roi des Français, en présence du préfet et du sous-préfet.
Monsieur le marquis de Verteillac, officier de la légion d'honneur, ex-député, ancien chambellan de l'empereur Napoléon, membre du conseil général de la Vienne a posé la première pierre et a placé dans une boîte en plomb la liste des personnalités présentes copiée sur parchemin parmi lesquelles : Amirault, notaire, Faulcon, Arnault, Dain, Autexier, Moulin, Daillé, conseillers municipaux, Naudeau, instituteur primaire, Treuille, juge de paix, Delage, architecte, Bussereau, entrepreneur des travaux.
La boîte soudée a été placée sous la première pierre du coin sud-est de l'édifice. Elle s'y trouve sans doute encore.
Quelques jours plus tard, le maire s'adresse au conseil avec une grande satisfaction :
« Vous voyez messieurs, la grande activité avec laquelle grand nombre de maçons élèvent dans les grands jours la construction de notre maison communale. De nombreuses charrettes vont, pendant trois mois, venir d'Availles pour transporter la pierre nécessaire à la construction. Elles emprunteront la route départementale Châtellerault, Chauvigny puis le bac du Bas-Villiers. » (Il n'y a pas encore de pont sur la Vienne).
Enfin, le 29 octobre 1848, a lieu la réception des travaux. Mais, faute de fonds, le bâtiment n'a pas été entièrement terminé. Ainsi, dix-sept ans plus tard, en 1865, une grande salle de 50 m² au-dessus de la classe de l'école de garçons est toujours sans emploi car toujours inachevée (la salle verte aujourd'hui). Le conseil autorise le maire à y faire des travaux et un placard pour y transporter provisoirement les archives de la mairie et le prétoire de la justice de paix.
Au mois d'août 1878
Il est décidé de réaliser un dallage en ciment en remplacement des carreaux posés sur la terre. Les murs, restés à l'état brut, seront crépis sur un mètre de haut.
En 1885
Le maire propose d'affecter une somme de 150 F en réparations urgentes à la mairie.
« La salle de mairie n'ayant ni plafond ni cheminée et beaucoup d'ouvertures est extrêmement malsaine en hiver. »
Un an plus tard, monsieur Treuille donne 100 F à la commune pour installer des volets à la salle de la mairie. En effet, "les séances d'été étaient souvent pénibles avec quatre fenêtres sans volets. »
Assez vaste et de belle allure, notre bâtiment, très monacal au départ, sans plafond, sans cheminée, sans volets, sans enduits, s'habille plus confortablement au fil des années, selon les besoins et les disponibilités financières.
C'est ainsi que le 4 janvier 1891, le conseil « décide la construction d'un refuge pour les passants indigents, entre le mur de la maison commune et le mur du voisin côté est. La façade sera établie de façon à laisser libre la fenêtre de la justice de paix. » (médiathèque actuelle). C'est ce petit réduit pour indigents de passage qui devient, bien plus tard, la salle du cadastre, puis un bureau pour le maire, de passage lui aussi ! (mais le parallèle s'arrête là).
1929
Peu à peu notre mairie attira la vie et le mouvement. Ainsi, le 17 novembre 1929, le conseil constate « que la cour de la mairie devient un lieu de stationnement pour automobiles et autres véhicules ». Il y a risque d'accidents et il est décidé de construire une clôture surmontée d'une grille en bordure de route. Nous l'avons bien connue, elle était encore en place en 1970.
1980
Notre vieille mais vaillante mairie allait connaître une évolution importante dans les années 1980. De nouveaux besoins étaient apparus, nécessitant des locaux spécialisés pour l'assistante sociale, le médecin scolaire et diverses permanences : mission locale, ANPE, etc. De plus, le plancher du secrétariat de mairie donnait des signes de faiblesse inquiétants notamment lors des mariages le samedi matin. Juste en dessous, élèves et instituteurs de l'époque observaient leur plafond avec crainte. Malgré le pilier métallique planté au milieu de la classe pour renforcer les poutres faiblissantes, des craquements menaçants se faisaient entendre et des particules de plâtre leur tombaient sur la tête.
La décision fût prise de transférer le secrétariat de mairie et les mariages au rez-de-chaussée dans l'ancienne justice de paix. Le plancher fut déposé et les poutres de chêne d'origine qui se courbaient sous le poids des ans et des mariages servirent à édifier le petit préau. Un sol béton acier avec poutres en acier consolide l'ensemble. La salle verte était née. Plusieurs furent bureaux aménagés au rez-de-chaussée. Dans la foulée, l'ancien préau de l'école devint foyer des jeunes.
En 1999,
la mairie nouvelle ouvre ses portes libérant son ancêtre pour les associations. La médiathèque entre en service en 2003.
En 2008,
« l'Espace Couleurs » voit le jour.
Notre vieille dame, née en 1847, commence une nouvelle vie et n'en revient toujours pas !